Paru dans La revue internationale et stratégique (Paris) 56, hiver 2004-2005

Yakov Rabkin
2004-2005

Paru dans La revue internationale et stratégique (Paris) 56, hiver 2004-2005

Fiche de lecture par Pascal Boniface

Yakov Rabkin – L’opposition juive au sionisme – Presses de l’université Laval – 274 pages.

En France, certains ultra pro-israéliens ont vite fait de confondre critique de gouvernement Sharon, opposition de principe à l’État d’Israël et haine des juifs, mélangeant le jugement porté sur un gouvernement, sur un Etat et sur un peuple. L’antsionisme est un antisémitisme qui se cache mal est le nouveau slogan de quelques intellectuels et responsables communautaires. On comprendra pourquoi ils n’ont pas rendu compte du livre d’un universitaire canadien Yakov Rabkin qui brise quelques idées reçues.

Difficile d’accuser d’antisémitisme ce juif religieux. Il étudie quelque chose peu connu du public tant juif que non juif, le rejet du sionisme au nom de la Torah, au nom de la tradition juive. L’auteur montre qu’une opposition virulente au sionisme et l’Etat d’Israël caractérise plusieurs mouvements au sein du judaïsme orthodoxe. Le sionisme est pour eux une hérésie, un reniement de la croyance messianique fondamentale et une violation de la promesse donnée à Dieu de ne jamais s’emparer de la terre Sainte par des efforts humains.

Selon lui, les nouveaux immigrants d’origine soviétique venus vivre en Israël illustrent bien cette contradiction. 1/3 d’entre eux ne sont pas juifs selon la loi rabbinique. Mais ils sont pourtant tout à fait sionistes.

Pour les juifs religieux, l’étude de la Torah protège les juifs en terre d’Israël mieux que tous les armements que possède l’Etat. Cela explique la dérogation à la loi du service militaire pour les milliers d’étudiants de la Torah.

Certains juifs religieux estiment que juifs et arabes vivaient en paix côte à côte jusqu’à ce que les Anglais puis les sionistes jugent qu’il était dans leur intérêt de semer la discorde. Rabkin met en avant l’appui massif qu’offre à l’Etat d’Israël des millions de partisans chrétiens du sionisme pour lesquels le retour des juifs à la terre Sainte servirait de prélude à leur adhésion au Christ ou pour ceux qui ne le feraient pas à leur destruction physique. Dans cette optique, la fonction principale de l’Etat d’Israël est de préparer la seconde venue du Christ et de se débarrasser alors du Judaïsme et de ceux qui y adhèrent. Il est donc logique que les sionistes chrétiens jouent un rôle de plus en plus important dans l’appui financier et politique de l’Etat d’Israël.

Tant les sionistes que leurs détracteurs s’accordent à dire que l’hostilité que rencontre les juifs pendant des siècles dépassent le cadre de la normalité. Il s’agit d’une hostilité tout à fait unique en son genre. Mais les sionistes expliquent cette hostilité par l’impuissance politique et militaire des juifs, alors que les juifs pieux tendent avoir la racine de cette haine intense dans la gravité des péchés commis par les juifs.

Beaucoup de juifs religieux déplorent que la force soit devenu l’argument le plus persuasif dans le vécu d’Israël.

Rabkin dénonce les politiciens israéliens qui déclarent agir au nom du peuple juif sans se préoccuper des effets de l’activité de l’armée israélienne sur l’image du juif dans le monde.

Il déplore que l’allégeance à l’Etat d’Israël a depuis longtemps remplacée le judaïsme comme l’encrage principale de l’identité juive.

Les intérêts d’Israël concordent-ils avec ceux des juifs de la Diaspora ou rentrent t-ils au contraire en conflit avec eux ?

L’antisémitisme était inéluctable et Israël est-il donc le seul endroit au monde où les juifs puissent se trouver en sécurité ? C’est quelques unes des questions que pose ce livre.

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